‘Minor Shadows’ est un des albums qui aura marqué l’année 2003 s’imposant largement au faîte de toute la gamme post-rock. Bien au-delà de cette année de sortie, ce qui marque surtout à l’écoute de ce disque c’est une forme d’intemporalité.
One Mile North réussit à échapper à un style pour s’inscrire dans un horizon plus vaste, s’élever au-dessus de son époque et de nous emmener ainsi avec lui par effet d’ascenseur, loin de tout.
Les effets sont immédiats sur la conscience et le dépaysement saisissant et immédiat. On se retrouve transporté loin, autre part dans un environnement sublimé, fabriqué à partir de bribes issues de notre mémoire. 1 Mile North joue au-delà de la composition, dans l’épure et le minimalisme où chaque son a une valeur propre, contribue à l’état de contemplation et de suspension.
En cela on peut voir en ce duo les héritiers de Labradford ou The Durutti Column. Composé de John Hills (guitare, basse, claviers digitaux, loops et samples) et de Mark Bajuk (claviers analogues), 1 Mile North propose ici son second chef-d’œuvre d’affilée, car il n’y a guère que ce mot qui puisse s’appliquer à l’accomplissement de leur musique.
Quelqu’un sifflote à l’entrée de ‘In 1983 he loved to fly’ puis ce sont les chants lointains de quelques oiseaux marins. La guitare ensuite arrive ainsi que quelques sons de claviers. Directement on pense à Labradford, mais dans une perspective plus terrestre. On s’imagine entrer peu à peu dans une réserve naturelle et se laisser peu à peu subjuguer par les paysages préservés, les plantes fragiles et l’apparente innocence originelle d’animaux vacant à leurs occupations. Economie d’effets, soin des textures et une trompette qui flotte dans les airs. Ce qui est terriblement marquant c’est la façon dont 1 Mile North propose une musique définitive dans le genre, trace d’un long travail de réflexion et témoin d’une profonde connaissance et compréhension de l’œuvre de certains de ses pères et pairs.
Un battement de cœur et quelques sons de claviers analogiques puis de très belles notes de guitare en quasi boucle, le charme de la répétition et de ses lentes évolutions, un peu comme si accroupi sur un point de vue on laissait tourner très lentement notre regard un peu à la manière des rayons de soleil qui tournent, s’élèvent dans le ciel puis redescendent à la fin de la journée avec leurs couleurs rougissantes. C’est ‘Life indoors’.
Un ‘Return to from where we came’ plus sombre, avec quelques sons plus hachés, modifiés et des petites samples presque inquiétants. Quelque chose comme de se lever en pleine nuit, dans des lieux que l’on ne connaît encore qu’à peine, ne pas allumer la lumière, pour se diriger vers la salle de bain ou la cuisine pour y boire un grand verre d’eau. On se repère aux petits sons comme des chauves-souris, on marche pas à pas prudemment s’aidant de ses mains et bras pour prévenir d’obstacles, tentant en même temps de se situer en faisant appel aux fragments de mémoire.
Un climat plus inquiétant, lancinant sur ‘The sick’, quelque chose comme un mal de tête, un fardeau émotionnel qui nous pèse et nous tord, refuse à nous laisser entre les bras pourtant réparateurs du sommeil. On profite pourtant déjà du calme de la nuit, on s’allonge, on ferme les yeux, la respiration se ralentint et on essaie de s’apaiser l’esprit autant que possible, minimiser les éclairs de pensée comme autant de secousses de stress. La sensation de répit réussit peu à peu à s’étendre en nous.
On touche au sublime avec ‘Black Lines’. Claviers, loops interdépendants mais suivants leurs trajectoires ondulantes propres, croisés dans l’élaboration d’une texture douce comme une couette, propice au sommeil, fascinante et dangereuse comme la nuit. Au-dessus viennent se greffer en plein milieu des cris de rage et de colère, et on n’a qu’une envie : se blottir sous les draps, se cacher et s’endormir pour oublier nos yeux réduits aux larmes.
‘August 8:15’, les criquets déjà en action, le sol et la végétation secs, le soleil déjà haut dans le ciel, le thermomètre qui entame son ascension. De très beaux entrelacs de guitare paresseuse pour saupoudrer ces nappes et ce rythme pulsant presque comme celui d’une vieille locomotive qu’on verrait au loin. Beaucoup de bonheur, de joie profonde, d’amour devant une nature à son apogée.
Avec ses treize minutes, ‘The manual’ culmine de sa longueur. Ca débute dans des paysages désertiques, arctiques, parcourus de vents givrants et cuisants. Une guitare s’élève telle une aurore boréale ou ce soleil de minuit qui nous accompagne en continu. Le temps est comme suspendu…. Démarre alors une conversation où se répondent un clavier analogique jouant un fragment de micro mélodie à la Boards of Canada et cette guitare à la Labradford qui privilégie les thèmes ensoleillés. On quitte ces contrées froides et ça ressemble du coup plutôt à une longue promenade à deux le long d’une digue de mer, au petit matin, alors que le soleil et lève et rayonne peu à peu sur mer et terre. Ca fait beaucoup de bien.
Un groupe et un album qui font un peu passage obligé, on n’imagine pas que vous ne vous penchiez pas sur leur cas.
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